Limpia


La limpia est un soin énergétique qui a un côté rock&roll... 

J'entends par là que ce n'est pas, de premier abord, tout propre, tout clean et tout gentil... Donc pas très New-Ageux. 

Une limpia ça peut-être long, fatigant, collant, brûlant, démangeant par moments et très doux, léger et paisible à d'autres. Peut-être qu'un yachack est aussi quelque part un musicien qui sait jongler entre les différents tempos, tonalités et nuances pour aller faire vibrer les énergies et les diriger.

Les curanderos m'expliquaient que pour eux c'est un acte magique permettant de décharger les énergies négatives accumulées dans le corps, pour le charger ensuite d'énergies vitales de sanation et de vie.


Ce que soigne la limpia

J'ai vu les curanderos ou yachaks  faire des limpias pour tout un tas de raisons : un prêtre à qui on avait jeté un mauvais sort, une vieille dame qui avait mal aux genoux de façon récurrente, un couple qui avait eu un accident de voiture, un monsieur qui était suivi par la malchance, des enfants qui ne mangeaient pas bien et ne grossissaient pas normalement...

et même des limpias à des objets ! Souvent les habits et bijoux portés par les personnes et parfois même des voitures qui tombaient toujours en panne, des bureaux du conseil régional où les gens s'étaient fortement disputés, un magasin où les clients ne passaient jamais le seuil, etc.

Parfois même pour des gens qui allaient très bien, là ils appelaient ça des limpias de florecimiento: pour des jeunes filles qui allaient passer leurs examens, ou une femme qui voulait changer de travail par exemple.

C'est que, en ces contrées, les gens ont une compréhension du monde et de la santé différente de la nôtre. 

Par exemple, lorsque le chamane arrivait chez ceux qu'il allait soigner, il leur demandait comment allaient leurs animaux, leurs arbres et quels rêves ils avaient fait récemment. Segundo disait toujours: ce qui arrive aux animaux finit par arriver aux hommes.

D'une certaine manière, toutes nos possessions et tout notre entourage sont une sorte de prolongation de notre corps et donc révélateur de notre santé globale.

Pour explorer plus en profondeur la vision du corps, de la santé et de la maladie que j'ai pu percevoir au contact des chamanes, je vous propose d'aller visiter la page Cosmovision (à venir).

Pour cette section, il suffira de comprendre, ou d'essayer de comprendre, que pour les yachacks, la maladie, avant de se matérialiser dans notre corps physique et individuel, se manifeste dans nos corps d'énergies, lesquels sont bien plus étendus que le corps physique et sont faits de relations avec notre entourage humain, animal, végétal et spirituel.

La maladie est donc spirituelle, énergétique et invisible avant de devenir visible et physique.

Et c'est pour cela que les gens font autant de limpias, même pour un mal de genoux qui a priori n'est qu'un problème mécanique, parce que pour eux, la source de la maladie se situe à un autre niveau et qu'il est aussi efficace (sur le long terme) de soigner la cause du problème, plutôt que simplement ses effets.


Principaux types de maladies énergétiques


Les chamanes reconnaissent aussi l'existence de maladies plus particulièrement énergétiques et très fréquentes:

LE SUSTO - L'effroi, le choc


C'est une maladie causée à la suite d'un choc émotionnel, généralement lié à une forte et soudaine peur. Par exemple lorsqu'on a un accident de voiture, qu'un animal nous mord ou que le tonnerre nous fait sursauter.

Dans ces situations, il arrive souvent qu'un de nos corps d'énergie sorte du corps physique à cause du choc, le susto arrive lorsque ce corps ne rentre pas dans le corps. Soit qu'il n'est pas très bien calé en face des autres corps, on est alors comme "à côté de ses pompes", soit qu'il n'est pas du tout revenu auprès des autres corps, restant souvent sur les lieux du choc, la personne marchant alors dans son incomplétude, se sentant souvent déprimée et vide.

Cela peut aller jusqu'à causer un grand désespoir, des angoisses, des insomnies, des sueurs ou de la fièvre ainsi qu'une couleur anormale de la peau, un manque d'appétit ou au contraire une gloutonnerie comme pour remplir un vide.

Dans ce cas la limpia va servir à aller chercher le corps manquant (qu'on appelle aussi parfois selon les croyances "perte d'âme") et le remettre bien en place et en phase avec les autres corps.


LE MAL AIRE ET MAL VIENTO - Mauvais air ou mauvais vent


C'est une maladie énergétique qui peut s'attraper dans différentes conditions. Souvent dans la nature, dans des lieux très sauvages, très ventés, où les énergies sont très fortes. Il peut arriver que la personne, plus souvent les enfants ou les personnes en état de faiblesse, se chargent de beaucoup d'énergies, un trop plein qui va les faire tomber malade.

Cela peut aussi être causé par un lieu chargé comme un cimetière ou une maison abandonnée où rôdent davantage d'esprits perdus et qui vont parfois aspirer l'énergie des passants ou se coller dessus et ainsi baisser leurs énergies. Cela peut aussi arriver lorsqu'une personne passe près d'un objet chargé de négativité. Par exemple, après avoir fait une limpia, les objets que le chamane a utilisé (plantes, oeuf, etc.) sont chargés des énergies négatives de la personne. Normalement, le chamane se charge de les enterrer là où personne ne risque de les croiser. Mais il peut arriver que cela ne soit pas fait, alors malheur à celui qui passe à côté et reçoit alors, du fait qu'il aura quelque part dans ses corps une faille, ces énergies négatives.

C'est aussi pour cela que, lorsque j'assistais aux limpias que faisaient les chamanes, ceux-ci me donnaient soit à fumer du tabac, à manger du gingembre cru ou autres "nourritures" de feu, pour me protéger. A certains moments de la limpia, ils me disaient même de ne pas regarder, et eux-mêmes détournaient le regard, pour ne pas attraper les mauvaises énergies par les yeux, qui sont d'excellentes portes d'entrée.

Les effets du mal aire sont une sensation d'inconfort, une grande fatigue, souvent un mal de ventre, comme des difficultés à digérer, des nausées et même des vomissements parfois. Des douleurs et des migraines peuvent se manifester, du fait de la surcharge d'énergies lourdes.

La limpia sert donc ici surtout à décharger la personne et éventuellement à renforcer ses corps énergétiques pour reboucher les failles par lesquelles les énergies négatives ont pu rentrer.


LE MAL DE OJO - Mauvais oeil


Le mauvais oeil a deux causes principales. La première et la plus connue est le fait qu'une personne ait beaucoup d’énergies négatives dirigées sur nous. Bien souvent de la colère, de la haine, de la rancœur, le fait de maudire et souhaiter le malheur d'autrui, etc. Pas besoin d'être sorcier pour cela, beaucoup d'entre nous le font très souvent sans se rendre compte des effets de leurs pensées et émotions.

Les effets de ce type de mal sont que la personne reçoit des mauvaises énergies, un peu comme le mal viento. Elle peut donc devenir plus fatiguée, plus irritable, avoir des maux de tête, des douleurs sans raison, etc.

Dans ce cas, la limpia doit permettre de décharger les énergies négatives mais aussi de trouver la faille qui fait que ces énergies ont pu rentrer (on dit que la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe, adaptée à ce cas concret, si la bave du crapaud nous a touchée c'est que quelque part nous n'avons pas été blanche colombe vis à vis de cette personne: sois nous avons aussi de la rancœur, ou de la culpabilité, de la peur, etc.). J'ai souvent entendu les chamanes dirent à la personne qu'ils soignent: tu dois aller te réconcilier avec telle personne.

La deuxième cause moins connue du mauvais oeil est celle créée par le désir. En effet, lorsqu'une personne regarde une autre avec un désir sexuel intense, de possession, ou autre (donc pas de l'amour pur!), ceci peut provoquer, si la personne en face a une faiblesse quelque part, un vampirisme d'énergie: la personne qui désire va aspirer l'énergie de l'autre personne.

Cela aussi, beaucoup d'entre nous le font sans s'en rendre compte. Un vieux chamane me donnait un jour cet exemple: c'était une dame qui commençait à vieillir et elle n'avait pas pu avoir d'enfant, alors quand elle voyait un nouveau né, elle le désirait tellement, qu'il soit sien, qu'elle lui volait son énergie. Ce sont souvent les enfants qui sont victimes de ce type de mal, car leurs défenses sont plus faibles que celles des adultes en général. Les effets sont bien souvent que l'enfant se retrouve avec une sorte de conjonctivite, il est plus nerveux, peut avoir des diarrhées, etc.

La limpia consiste donc ici à récupérer les énergies vitales de la personne, à la recharger et à la protéger.


LA BRUJERIA - La sorcellerie


La dernière catégorie, la plus mystérieuse, inquiétante et aussi la plus répandue en Équateur est celle de la sorcellerie. A ma grande surprise, la sorcellerie est la cause principale des maladies et problèmes dans les populations autochtones et métisses. Et, plus surprenant encore, les "jeteurs de sort" étaient bien souvent embauchés par les proches: la famille et les voisins. Effrayant et en même temps logique...

J'ai aussi entendu et vu des cas de sorcellerie lancée par "intérêt". Par exemple, un prêtre professait dans sa paroisse que les femmes devaient être plus autonomes et ne pas toujours se plier aux volontés de leurs maris. Un mari à qui cela n'avait pas trop plu s'en alla voir un sorcier pour jeter un sort au prêtre qui se retrouva alors bien malade et déprimé.

De manière générale, il vaut mieux ne pas être ami d'un sorcier...

Segundo, un des chamanes avec qui j'ai travaillé, fit une partie de son initiation chez un sorcier, qui par ailleurs lui demandait beaucoup d'argent en échange de ses savoirs. Le jour où Segundo décida d'arrêter d'aller le voir, le sorcier lui lança un mauvais sort qui faillit le tuer. Heureusement, Segundo s'en est sorti grâce à ses visions, son pouvoir et ses collègues chamanes qui l'aidèrent alors. Aujourd'hui il est content car ces apprentissages chez le sorcier lui permettent de connaître les astuces des sorciers et de reconnaître rapidement les signes d'une magie noire.

La magie noire peut se manifester de nombreuses façons différentes selon le sort lancé. On peut mourir, rapidement ou lentement, être soudainement atteint d'une maladie grave ou inconnue pour les cas les plus forts. On peut se retrouver très fatigué, morose, déprimé sans raison et pendant longtemps. On peut devenir malchanceux: perdre ses clés, se prendre une amende, rater son rendez-vous, se faire agresser, manger un sandwich périmé et mettre du gazole à la place de l'essence dans une même journée. On peut devenir maladroit, se prendre les coins de porte, mettre nos habits et chaussures à l'envers de manière répétitive. On peut aussi devenir méchant, souvent de mauvais poil et commencer à avoir de plus en plus d'idées violentes et malsaines. On peut également avoir du mal à dormir et faire des insomnies à répétition, manquer d'appétit, avoir de plus en plus de problèmes dans son travail, dans son couple, etc.

Parfois aussi, nous avons certaines protections qui vont nous éviter de prendre le sort de plein fouet, ce sont alors nos proches les plus faibles qui peuvent être touchés: un chien meure en quelques jours, les arbres dépérissent, l'enfant se met à avoir des terreurs nocturnes et à ne plus manger, etc.

Cela n'existe plus autant dans notre société cartésienne contemporaine, mais est très répandu en Équateur.

Au delà de la magie noire visant à faire du mal, beaucoup de personnes vont voir le sorcier lorsqu'elles ont besoin de remporter un procès, de faire revenir leur femme qui les a quittée, etc. On les appelle magie grise, magie rouge, etc.

De manière générale, dès qu'il s'agit de contrôler la volonté d'autrui à des fins personnelles, on appelle cela de la sorcellerie.


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La Limpia



Bon vous commencez à vous impatienter un peu j'imagine... Ou pas.

Après tout, je vous parle de la limpia ... mais c'est quoi ça ?

C'est vrai que la limpia par ici on ne connait pas forcément; on s'imagine bien les transes du chamane, qui tape avec son tambour et toutes ses plumes, les boissons de plantes psychotropes qui font voir des jaguars et des serpents... Des trucs bien impressionnants où le chamane a les yeux révulsés, où les gens se mettent à pleurer et à se rouler par terre avant que ne frappe un éclair et paf! on est guéri.

En Équateur je n'ai pas vu ça du tout. Pas de tambour et de transes magiques. Mais beaucoup de limpias.

Au début je me suis dit: "mais c'est quoi ce truc avec des bougies et des cochons d'Inde?" sans y porter beaucoup plus d'importance vu que ça n'avait pas l'air très impressionnant comme technique...

Et puis, chemin faisant, je me suis rendue compte que ce n'est pas une technique mais des milliards de techniques, toutes différentes selon les régions, l'altitude, le chamane, la maladie et l'inspiration de l'instant.

Et surtout, lorsque j'ai pu me débarrasser de mes envies très occidentales de voir des trucs avec des effets spéciaux, j'ai pu apercevoir la beauté et la profondeur de cette méthode de soin.


AVERTISSEMENT


Sachez que ceci n'est pas un manuel de limpias.

Tout d'abord, les chamanes ne m'ont pas tout dit de leurs secrets, et ensuite moi-même je ne vous dirai pas tout ici... vous vous en doutez bien.

Deuxièmement, vous pouvez très bien jouer à l'apprenti chamane si vous le voulez, cela ne relève que de votre choix et vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous avait pas prévenu:

- lorsqu'on fait une limpia, on met l'autre en fragilité, car on intervient sur son intimité, ses corps et sa psychée. On enlève des énergies, et si on ne sait pas choisir, on peut enlever des bonnes énergies. On y met aussi des énergies, et si on ne sait pas choisir, on peut laisser rentrer n'importe quoi. Et il faut aussi savoir que le chamane donne de son énergie, on a beau vouloir être un canal parfait de l'énergie de Dieu de guérison, on reste humain et il y a toujours quelque part des crasses qui vont tordre l'énergie qui passe... surtout si on s'amuse à être chamane, on risque donc de donner nos énergies pourries à l'autre en cadeau. On peut donc, au lieu de le soigner, le rendre malade. Cela dit, cela peut être une forme de médecine et la personne pourra apprendre de nombreuses leçons de ce soin, mais ceci est une autre histoire. Le but du chamane est quand même de soigner par la voie créatrice et non pas destructrice.

- lorsqu'on fait une limpia, on se met aussi soi-même en fragilité. Il y a le chamane, et il y a l'homme ou la femme derrière. Le chamane se doit d'avoir le coeur pur et le mental blanc pour bien soigner et bien laisser de côté son homme ou femme humaine (l'égo?). Et surtout le chamane a reçu un bon enseignement et a de l'expérience pour se protéger lui-même. Presque tous les chamanes que j'ai rencontrés, m'ont raconté leurs premières limpias et tous m'ont dit qu'ils étaient tombés bien malades, ayant absorbé les énergies négatives qu'ils voulaient enlever. Heureusement, étant apprenant, ils avaient un chamane maestro qui était là, d'abord pour bien rigoler de leur situation, puis pour leur faire une limpia et enfin pour leur dire: tu vois, la prochaine fois il faut que tu te protèges.

C'est comme ça que les chamanes enseignent, ils ne préviennent pas, ils te laissent faire tes erreurs, ta propre expérience vivante, c'est ainsi que les connaissances ne sont pas qu'intellectuelles, elles sont dans le corps et dans le coeur, lesquels ont peut-être une bien meilleure mémoire. Tout ça pour dire que si vous n'avez pas un ami chamane ou maître énergéticien à portée de main, vous risquez bien de ne pas faire beaucoup de limpias puisque vous serez tout simplement plus malade que ceux qui viendront vous voir. Cela dit, c'est aussi une forme d'apprentissage et si vous arrivez à vous soigner par vous-même vous en ressortirez plus fort et deviendrez peut-être un bon chamane. Mais c'est une voie risquée ;)

Donc soyons humble, respectons nous, respectons l'autre, et respectons ces connaissances qui se transmettent depuis des générations et que les chamanes en apprentissage mettent des années à acquérir. Rappelez vous que les chamanes commencent très jeunes: entre 4 et 16 ans. Et qu'ils commencent à soigner de façon indépendante assez tard, plutôt vers 25-30 ans.

Cela étant dit, en rentrant en France je me suis rendue compte que nos grand-mères utilisaient une technique ressemblant de très près à certaines techniques de limpias des chamanes d’Équateur: notamment la technique de l’œuf. Alors, allez peut-être demander à votre grand-mère si elle ne connait pas une astuce ou deux pour soigner les petits et grands maux. Ou si, dans leur enfance leurs parents ne les emmenaient pas voir des rebouteux, des gens qui coupent le feu ou autres médecins pas ordinaires...


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Quand peut se faire une limpia?



Les chamanes disaient toujours "la maladie n'a pas d'heure pour frapper, alors la limpia non plus pour soigner." 

Cependant, ils reconnaissent tout de même que certains moments sont plus favorables pour soigner que d'autres.

La grande majorité s'accordait sur le fait que les mardis et vendredis sont les meilleurs jours de la semaine pour soigner. Lorsque j'ai discuté avec des amis qui étaient allés au Pérou, ils me disaient que là-bas ce sont les mardis et jeudis qui sont les jours favorables.

En ce qui concerne les heures pour soigner, certains soignaient plus le jour, d'autres plus la nuit. Presque tous affirmaient que les meilleurs moments sont le lever du soleil, le zénith du soleil, le coucher du soleil et le milieu de la nuit. De manière générale, ces temps de la journée sont favorables à tous les travaux en lien avec les énergies et le monde des esprits. Les chamanes affirment que la communication avec les samaicunas (esprits) et le contact avec les énergies de guérison sont facilités dans ces heures de transition qui sont comme des carrefours ouverts entre les dimensions.

Enfin, la lune était un facteur décisif pour une bonne majorité des curanderos et curanderas que j'ai côtoyés. Selon eux, la lune croissante est plus favorable à la guérison. La pleine lune est idéale pour des guérisons puissantes et des limpias de floraison (pour bénir, apporter la joie, l'amour, etc.). La lune décroissante ne semblait pas particulièrement contre-indiquée. En revanche, certains chamanes se refusaient à soigner en lune noire car selon eux les énergies les plus fortes en ces jours sont celles utilisées pour la sorcellerie et la magie noire.

Ici on voit comment Alfredo a préparé son local pour une nuit de limpias de Florecimiento avec la pleine lune

Pour essayer de se rendre mieux compte de la façon dont ils adaptaient cela à  leur travail. Par exemple, le curandero Alfredo qui officie dans la paroisse de Calpi fait des limpias tous les jours de la semaine pendant les heures diurnes sans rendez-vous. Lorsque c'est la pleine lune, il fait des limpias de floraison, depuis le coucher du soleil jusqu'au coucher de la lune. Les gens prennent  rendez-vous et viennent en famille entière pour recevoir la guérison et les énergies favorables de réussite dans tous les domaines. Lorsqu'une personne souffre de sorcellerie, il va lui donner en général trois rendez-vous consécutifs: un mardi, un vendredi et un mardi, si possible aux heures favorables (aube, midi ou crépuscule).


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Où peut se faire une limpia?



Une limpia peut se faire à peu près partout, cela dit les chamanes ont quelques lieux favoris et respectent certaines conditions de géographie ou d'orientation.

Tous sans exception reconnaissent que le lieu le plus favorable pour une limpia est la nature. Par exemple, Alfredo aime faire la limpia à côté d'un arbre de pouvoir comme le guanto car celui-ci va aussi absorber et transmuter la négativité, tout en protégeant l'espace. De plus, le fait de faire des limpias en extérieur permet une meilleure circulation des énergies qui ne vont pas s'accumuler dans les coins de la pièce ou rester enfermées sous un toit: la terre, l'air et le soleil font oeuvre de recyclage des énergies avec le temps. De plus, une limpia en extérieur permet de bénéficier de nombre d'éléments naturels participant à la sanation: la lumière du soleil, le contact avec la terre et le ciel (le malade enlève toujours ses chaussures et son chapeau, et même chemise et pantalon), etc.

Dans l'idéal, et surtout si le chamane souhaite réaliser une limpia très forte (dans le cas de maladie grave ou la demande d'une limpia puissante de floraison), il emmènera la personne dans un lieu dit de pouvoir. Une rubrique dédiée à ce thème évoque plus en profondeur ce qu'ils sont et comment y accéder. Nous résumerons ici en disant que ce sont des lieux en général sauvages, sacrés et où se concentrent les esprits. Charge au chamane de connaître chaque lieu, ses esprits et leurs énergies spécifiques de guérison.

Souvent, le chamane donne ses soins dans un local. Tous les chamanes me disaient que l'important était que le local soit dans un lieu calme et peu fréquenté. Cela dit j'ai rejoint une fois Segundo dans son local d'Ambato qui était juste à côté d'un salon de coiffure écoutant les tubes latino à la radio, dans le local du dessous une fanfare répétait et dans la rue on entendait crier tous les vendeurs à la volée de chewing-gum, DVD pirates et maïs grillé. Je ne sais pas s'il a gardé ce local très longtemps...

A part l'aspect calme du lieu, certains chamanes préfèrent les locaux avec un plancher en bois qui d'après eux absorbent mieux les énergies, les travaillent et les transmutent. Les chamanes officiant dans un local procèdent régulièrement à une limpia du local, afin de nettoyer les énergies pesantes qui ont pu rester coincées.

Certains chamanes comme Segundo sont des chamanes ambulants, ils vont chez les gens. Dans ces cas là, avant de procéder à la limpia, il demandait toujours la permission d'entrer et de réaliser des soins en ce lieu (comme quand on entre dans un lieu naturel), puis il purifiait le lieu aux quatre coins et éteignait les lumières non naturelles.

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 La préparation du Chamane



Avant de faire une ou plusieurs limpias, le ou la chamane se prépare.

La grande majorité enfile un habit spécial, presque toujours blanc, ainsi qu'un certain nombre de colliers et autres ornements lui conférant du pouvoir et l'aidant à s'aligner avec les énergies et l'intention de guérir. A partir de ce moment là, le chamane se concentre pour garder un coeur pur et un mental en blanc (corazon puro y mente en blanco).

Ensuite le chamane se purifie lui-même et se protège. De manière générale, la majorité des chamanes essaie de tenir un certain régime de vie qui leur confère force et pureté: certains respectent des restrictions alimentaires (pas de porc, pas de friture, pas de piquant, etc.), d'autres pratiquent des exercices réguliers (le Kuyuri est un art martial Andin se basant sur des positions animales), beaucoup rendent régulièrement visite à des lieux sacrés et lieux de pouvoir pour faire des manays (prononcer magniaïs, c'est l'équivalent des prières), etc. Le chamane est donc censé en lui-même porter une certaine pureté et un pouvoir qui, selon ce que m'expliquait le curandero Alfredo, créent des vibrations de guérison autour du chamane et ainsi, même sans recevoir de limpia, les personnes qui le rencontrent sont magnétisées et commencent à guérir par le simple contact ou la proximité avec le chamane. Alfredo finit d'ailleurs bien souvent ses limpias en donnant un abrazo (il enlace) à la personne.

Le chamane se purifie donc si besoin, particulièrement pour les limpias très importantes et dangereuses ou fatigantes, le chamane peut faire un jeûne par exemple. Segundo, lui, aimait bien se faire un bain de purification et de force (une décoction de laurier, romarin, rue et camomille allemande avec des oranges, citrons et fleurs) le matin avant d'aller faire les limpias. Le reste du temps, son hygiène quotidienne consistait à prendre des douches froides. Il disait que cela renforce le corps et ferme bien le corps pour que les mauvaises énergies ne rentrent pas (alors que la douche chaude laisse le corps ouvert).

Ensuite, avant la limpia, après et souvent pendant, le chamane se purifie et se protège en se soufflant des macérations de plantes sur les bras jusqu'au coude, Segundo aimait bien manger du gingembre cru, Victor passait régulièrement ses mains au dessus du feu pour se purifier, Alfredo passait ses mains dans la fumée des encens, parfois ils fumaient du tabac à la fin de la limpia pour se purifier et bien se refermer. De manière générale, j'ai remarqué que toutes ses pratiques de purification protection sont reliées à l’élément feu qui doit donc être à la foi bien protecteur et purificateur. Segundo, qui fait plus souvent des limpias dans des lieux naturels ou chez les gens, me racontait que souvent dans les lieux inconnus et surtout si le lieu ne semble pas très sûr, il boit une petite tasse de tabac macéré. Ceci a pour effet de rendre son corps fort et amer, ce qui éloigne les esprits malins et en colère.



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La préparation de la "Mesa"



La majorité des yachaks utilise une mesa dans leurs limpias. La mesa (littéralement "table") est une sorte d'autel que l'on retrouve aussi dans les cérémonies, cependant la mesa des cérémonies est différente de la mesa des limpias

Le point commun est qu'elle sont la création d'un espace sacré concentrant les énergies de l'univers et dans lequel doit être respecté et représenté l'ordre cosmique. 

La mesa pour les limpias va être organisée de telle sorte qu'elle concentrera les énergies de guérison. 

Pour cela, le chamane dispose ses objets de pouvoir qui sont des cadeaux des esprits et forces qui l'accompagnent. Cela peut être une pierre, une chonta (épée magique), une icone d'un saint ou d'un ange, etc. Lorsque le chamane pose ces objets, il invoque ses esprits alliés à venir pour l'assister dans la limpia. Ensuite, le curandero dispose les objets servant à la guérison en les plaçant dans la direction qui correspond à leur énergie: 

- les oeufs, les plantes fraîches, les aliments de pouvoir comme le gingembre et le feu (une bougie allumée) vont à l'Est, lieu de la naissance, de la force de vie dans le Soleil et dans le feu, lieu par excellence de guérison et de recouvrement de l'équilibre originel. 

- Au Nord, lieu du Uku Pacha (le monde du dedans, des ancêtres et des profondeurs) les curanderos mettent souvent les macérations de plantes, les alcools, les eaux de Cologne et parfums. 

- Au Sud, direction du Hawa Pacha (le monde d'en haut, des Dieux et des anges, des sommets des montagnes et des étoiles), ils placent les objets pour la divination et pour la communication avec les esprits (tabac à fumer, bougies, encens). 

- Enfin, à l'Ouest, direction du mystère de la vie et de la mort, de la nuit et des cycles de la lune, les chamanes posent souvent leurs instruments de musique, des images des ancêtres et du tabac comme offrande.

Segundo purifie la mesa et invoque les esprits alliés dessus

Avant de commencer la limpia, le curandero ou la curandera va purifier et bénir la mesa avec des souffles de plantes macérées et de fumée de tabac. 

Ensuite il/elle appelle les esprits alliés et les forces cosmiques de guérison sur sa mesa. Il/elle utilise pour cela des chants, des prières et incantations et des instruments de musique (petites percussions, ocarinas, petites flûtes, etc.). Ici, le yachak utilise des objets plutôt liés au vent (sons, fumée) pour communiquer avec les mondes invisibles où demeurent les esprits. 

 Tout ce qui vient d'être dit est bien sûr une généralité qui masque la diversité des pratiques. Certains curanderos ont des mesas très chargées comme Victor Vargas. D'autres comme Segundo, qui est un chamane ambulant, a des mesas toujours changeantes (parfois il emmène tel icône de saint, d'autres fois il emmène une pierre de pouvoir et une plume par exemple) et très rudimentaires avec juste le nécessaire. 

D'autres comme Alfredo n'ont pas de mesa à proprement parler, en effet, le souhait d'Alfredo est d'utiliser le moins possible les objets matériels pour se concentrer sur les énergies, il ne prépare donc pas de mesa rituelle mais utilise simplement une table où il pose les objets dont il a besoin.

La mesa ambulante de Segundo

La mesa très chargée de Victor Vargas


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Comment se déroule une limpia ?


Chaque limpia est différente. Chaque chamane a ses techniques, en fonction du ou des maestros qui l'ont formés, en fonction des esprits alliés qui sont à ses côtés, de ses rêves, visions et de ses préférences. 

De plus, même pour un chamane, chaque limpia est différente, selon la personne qui est en face, selon les évènements qui se présentent. Il n'y a donc pas de partition précise de la bonne ou de la mauvaise limpia

Je vais ici essayer de rendre compte des différentes séquences qui peuvent composer une limpia, sachant qu'une limpia peut ne comporter qu'une séquence ou bien plusieurs, jusqu'à des dizaines. Ces séquences peuvent se trouver dans des ordres différents et se répéter. Cependant au travers des différents yachaks et des nombreuses limpias auxquelles j'ai pu assister, j'ai remarqué qu'un certain ordre est tout de même respecté. Je vais donc noter les différentes petites limpias qui forment la grande limpia dans l'ordre où elles se suivent le plus fréquemment.


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Quels sont les différents types de limpia ?


LES LIMPIAS MAJEURES


LIMPIA CON VELA - La limpia à la bougie

Après avoir appelé ses esprits alliés pour soigner et demander l'autorisation de le faire, une des premières limpias que fait le chamane est celle de la bougie. La faire en premier lieu est chose importante et vous allez comprendre pourquoi. 

La première phase est très facile: le chamane prend une bougie neuve et blanche qu'il purifie (pour qu'elle soit neutre) puis charge le malade de se la frotter sur tout le corps (la personne est en petite tenue tout le long de la limpia). Si le chamane le fait lui-même il fait, d'après ce que j'ai vu, principalement 2 types de gestes: soit il brosse en utilisant la bougie comme un peigne, brossant du haut vers le bas et de l'intérieur vers l'extérieur; soit il passe la bougie sur tout le corps en faisant des croix. Une fois que la personne a fait ça, elle tient la bougie près de sa bouche et lui souffle 3 fois son nom et prénoms complet et date de naissance. Par exemple: "Jose Luis Santiago GARCIA LEON, 30 Novembre 1960,  Jose Luis Santiago GARCIA LEON, 30 Novembre 1960, Jose Luis Santiago GARCIA LEON, 30 Novembre 1960".

Cette phase sert à teinter les énergies du patient dans la bougie, pour que la bougie devienne comme une reproduction miniature de la personne. 

La couleur de la bougie a son importance. Pour la majorité des limpias, les chamanes préfèrent utiliser une bougie blanche pour se relier aux énergies de pureté et de lumière. Cependant il arrive qu'ils utilisent des bougies de couleur, surtout pour les limpias de floraison (limpia servant à apporter des énergies positives et la bonne chance plutôt qu'à soigner): jaune pour la richesse, la prospérité et la joie, rouge pour l'énergie et la force, violette pour le calme et la paix, etc. Et noire pour lutter contre la magie noire et les cas de mauvais sort.

Alfredo lave cette dame avec la bougie
Après avoir frotté la personne avec la bougie, le chamane allume celle-ci et la pose sur l'autel. A partir de ce moment là, deux effets importants sont à l'oeuvre.

Le premier est que, en ce consumant et par l'action purificatrice du feu, la bougie va soigner le patient.

Le deuxième est que, la bougie étant une reproduction de la personne, son état et sa façon de brûler vont être des indicateurs de sa santé sur tous les plans. Au début du soin, cela sert de diagnostic au chamane. Au fur et à mesure du soin, celui-ci observe la bougie et peut se rendre compte de l'amélioration de l'état du malade.

LECTURE ET INTERPRÉTATION DE LA BOUGIE

Lire dans la bougie est tout un Art que les chamanes mettent des années à apprendre. Certains d'entre eux on pu m'en enseigner les rudiments :

- La base est que la mèche représente le corps physique et la flamme représente le corps énergétique.

- Si la mèche est droite c'est que le corps physique est en bonne santé. Si la mèche est courbée, c'est qu'il y a certains soucis, si elle est courbée et sort de la limite dessinée par la flamme c'est que c'est un problème plus grave, chronique et/ou ancien.

- Si la flamme est bien droite et grande, c'est que le corps énergétique est en bonne santé. Si la flamme s’éteint, c'est que la personne est en grand danger, que la mort est toute proche. Si la flamme est faible et vacillante, c'est que la personne est malade, ses énergies sont diminuées. Si la flamme fait des séries de petites explosions, c'est qu'il y a des éléments perturbateurs dans la vie de la personne. Cela peut être des émotions comme la colère, ou des personnes ou influences extérieurs qui créent des querelles dans sa vie.

- Si la bougie produit beaucoup de coulées de cire, cela dénote une grande tristesse dans la vie de la personne, ses émotions ont tendance à déborder, elle peut même être gagnée par un certain désespoir.

Ensuite, on passe à un niveau au dessus dans la lecture, celle où le 3ème oeil devient nécessaire. 

Certains chamanes l'ont d'office, d'autres l’acquièrent par expérience, d'autres utilisent certaines plantes de pouvoir pour leur donner un coup de pouce dans la visualisation. Par exemple Alfredo buvait parfois une petite coupe d'Ayahuasca, ce qui lui permettait, entre autres, d'avoir l'oeil ouvert pendant 10 à 15 jours. Il n'est pas la peine de dire que cela ne marcherait pas pour n'importe qui, il ne suffit pas de boire de l'Ayahuasca ou du San Pedro pour ouvrir le 3ème oeil, donc pour ceux qui espèrent acquérir la vision à rayon X de Superman en utilisant les plantes, je vous conseille de retourner lire la section "introduction au chamanisme" sur la partie "drogues et plantes de pouvoir".

Le chamane lit alors la bougie d'une autre façon, il s'installe devant et se met à l'observer de façon fixe. Parfois il allume un cigare de tabac pure et souffle sur la bougie en l'observant sans bouger. Alors dans la flamme il commence à voir des formes et des visages se dessiner. Une fois par exemple, Segundo regardait la bougie et me dit de venir voir: "tu vois là le petit bonhomme blanc". Je m'efforçais de regarder avec mon 3ème oeil embrumé. Et en regardant bien, il y avait un minuscule point blanc qui, en regardant de très près avait une forme d'homme. "C'est une poupée de la personne qu'a utilisé un sorcier pour lui lancer un sort". Je me disais déjà que pour avoir vu ce petit bonhomme blanc il aurait fallu des yeux très perçants d'aigle, et quant à savoir comment deviner ce qu'il représentait, je n'en avais aucune idée...

Une autre fois, le même Segundo utilisait un cigare de tabac pure qu'il soufflait en silence par intermittence sur la bougie. Après de longues minutes dans le silence. Il demanda à la personne qui de son entourage vivait dans la direction qu'il montrait. La perosnne lui répondit que vivait là-bas une tante. Segundo lui demanda s'ils avaient de bonne relations. Et évidemment que non, puisqu'ils étaient en de mauvais termes pour une histoire que je ne comprenais pas bien et que, comme le font beaucoup de gens, la tante était allé voir un sorcier pour se venger. 

Plus tard, Segundo m'expliqua ce qu'il avait fait pendant ce temps de silence. Il utilisait le tabac comme un transmetteur d'information. Il posait une question à la bougie en soufflant dessus et observait la réponse. Je crois que d'une certaine manière il parlait avec une autre partie de la personne, peut être celle qui est réveillée quand on dort. Il posa diverses questions jusqu'à ce qu'il voit l'esprit de la personne, qui était jusque là assise parfaitement à l'intérieur de la personne physique. A ce moment là, l'esprit de la personne bougea tout doucement, tournant la tête et tendant le doigt dans une direction pour montrer d'où venait le mal. Voilà une très bonne explication qui n'aurait pas satisfait les plus cartésiens d'entre nous!


LIMPIA CON HUEVO - La limpia à l'oeuf

La limpia avec un oeuf est une technique qu'apparemment nos grands-mères utilisaient déjà pour soigner les maux de ventre des enfants.
Chez les yachaks d'Equateur, la limpia avec l'oeuf est utilisée très fréquemment, plutôt au début car l'oeuf peut aussi servir de diagnostic. Ils utilisent systématiquement la limpia à l'oeuf en cas de mal de ojo (mauvais oeil) et emploient cette méthode de manière générale dans de nombreux cas car l'oeuf a un pouvoir absorbant des énergies lourdes, négatives et bloquées.
J'ai trouvé des variantes parmi les différents chamanes que j'ai côtoyé.
Tout d'abord dans le nombre d'oeufs à utiliser. Beaucoup emploient seulement un oeuf pour une personne. Mais certains en utilisent 2: un pour chaque côté du corps, un pour le féminin et un pour le masculin; ou parfois un pour le diagnostic et un pour le soin. J'ai même vu certains chamanes utiliser 4 oeuf, 2 dans chaque main, m'expliquant que cela servait à respecter la dualité du corps et de notre monde (2) et la chakana (4) qui est la croix Andine. J'ai vu aussi certains chamanes utiliser l'oeuf et le piment ensemble, tenant le piment (pointu, feu, homme)dans la main masculine et l'oeuf  (rond, liquide, femme) dans la main féminine.
Ensuite il y a divergences dans le sens de l'oeuf. Certains n'y accordent pas d'importance. D'autres expliquent qu'il faut mettre le côté négatif (la base, partie large, opposée à la pointe) contre le corps du malade pour qu'il aspire les mauvaises énergies. D'autres m'expliquaient qu'il fallait mettre la bouche de l'oeuf contre le corps du malade. Alors là j'étais un peu perdue car je ne savais pas que les oeufs avaient une bouche. En fait, cela signifie qu'il faut appliquer l'oeuf droit contre le corps du malade, la pointe vers le haut. En tout cas je n'en ai jamais vu utilisant l'oeuf en mettant la pointe vers le corps du malade. Cela doit avoir à faire avec le sens de circulation des énergies puisque l'oeuf ne sert pas à mettre mais à enlever les énergies.
Victor Vargas, un oeuf dans la main gauche et un piment dans la main droite
Pour le reste, les pratiques étaient assez similaires. Le chamane commence en général par purifier l'oeuf puis le pose au niveau de la tête du malade, en invoquant ses esprits alliés. Celui qui m'a le plus parlé de la limpia avec l'oeuf est Segundo. Il m'expliquait que pour faire cette limpia il faut appeler deux montagnes: une masculine et une féminine. C'est elles qui vont prêter leur pouvoir pour aider l'oeuf à faire son travail, et c'est ensuite à elles qu'on envoie les énergies contenues dans l'oeuf pour qu'elles les transmutent.
Ensuite le chamane qui tient l'oeuf dans sa main de pouvoir fait trois signes de croix avec celui-ci  sur le front de la personne comme pour commencer et se met à frotter tout le corps de la personne en faisant des cercles, sauf dans les mains et sous les pieds où il fait 3 croix. Tout en frottant la personne, le chamane émet un certain nombre de sons répétitifs et qui se relaient en boucle: des sons imitant le bruit de l'aspiration (pour commander l'oeuf), des sons presque comme un sifflement vacillant dont le but est de faire vibrer et décoller les énergies afin de mieux les drainer, des mots prononcés de façon autoritaire "Yukshi! Yukshi!" (Sors!Sors!) pour commander l'énergie négative de sortir du corps. Tout en faisant ça, le chamane garde le coeur pur et le mental blanc, priant en son intérieur à Dieu et à ses esprits alliés d'aider à la guérison.
Lorsqu'il sent que certains endroits sont plus chargés, le chamane repasse avec plus de force dessus. Parfois même il va utiliser la technique dite de "chupar" (sucer/aspirer), plus dangereuse. En effet, le chamane applique alors sa bouche sur l'oeuf, lequel est contre le point chargé en mauvaises énergies. Il va alors aspirer le mal au travers de l'oeuf, puis le crache à la terre ou au soleil afin qu'ils le transmute. Pour cette opération délicate, le chamane va bien souvent se préparer en se purifiant le mieux possible de l'intérieur: en buvant une petite coupe de plantes macérées, en fumant du tabac pur, ou en se remplissant la bouche de gingembre frais. J'ai vu que certains chamanes du Pérou qui utilisent la technique de "chupar" se remplissent la bouche de cal (chaux) et autres plantes (feuilles de coca ou feuilles de tabac par exemple) afin d'éviter que le mal ne les colle.
Segundo en train de "chupar" avec l'oeuf
Le chamane sait que la limpia avec l'oeuf est terminée quand l'oeuf est devenu dur comme une pierre. J'ai moi-même fais l'expérience à plusieurs reprises et effectivement, en secouant fortement l'oeuf avant la limpia, on sens le jaune bouger dans son liquide, à la fin, plus rien ne bouge, il est dur. C'est que, expliquent les chamanes, l'oeuf a aspiré les mauvaises énergies et les a cristallisées en lui.
C'est alors que le chamane tend l'oeuf vers la bouche de la personne, détourne son regard et demande à la personne de cracher 3 fois dessus de toutes ses forces. A cet instant, personne ne doit regarder dans la direction du malade et de l'oeuf au risque de se "coller" des mauvaises énergies.
Une fois que la personne a craché 3 fois, le chamane prend une bouteille remplie de plantes macérées et sors en plein air où il va souffler le macerado en partant de son coude et jusqu'au bout de ses doigts tenant l'oeuf, projettant ainsi les énergies qu'il contient et les dirigeant avec son intention vers les deux montagnes alléies pour que celles-ci transmutent ces énergies négatives. Il fait cela 3 fois puis, n'étant jamais trop prudent s'il restait quelque énergie négative, il va l'enterrer ou le met dans un sac plastique noir qu'il jette à la poubelle, le but étant que personne ne tombe sur cet oeuf et ne risque de se coller des énergies négatives qui ont pu rester. Parfois, au lieu d'envoyer les énergies aux montagnes, le chamane va rompre l'oeuf dans un verre d'eau. Alfredo m'expliquait qu'il fallait alors regarder l'oeuf de côté, les yeux plissés et sans le fixer trop longtemps pour ne pas risquer de se coller des mauvaises énergies. Le chamane peut alors interpréter l'oeuf, je peux vous donner ici quelques exemples, mais comme pour la lecture de la bougie, c'est un Art qui met de nombreuses années et beaucoup d'expériences pour être maitrisé: le jaune représente plutôt le corps physique et les organes du malade, les taches et formes anormales dans cette zone indiquent les problèmes au niveau physiologique. Le blanc représente plutôt son corps spirituel et énergétique, ses relations avec le monde. La présence de bulles comme des yeux indique des sentiments d'envie ou de haine projetées sur lui par d'autres personnes (mal de ojo).

Limpia con chontas - La limpia avec des épées magiques


Le chamane peut utiliser un nombre impressionant d'objets différents pour effectuer sa limpia selon le type de maladie et l'inspiration du moment.
Certains utilisent des chontas. Ce sont des épées magiques taillées dans un bois très sombre qu'on trouve en Amazonie et sur lesquelles sont gravées des animaux et symboles de pouvoir.
Le chamane les utilise pour "brosser" la personne aux quatres angles. J'ai vu parfois les chamanes donner les chontas à la personne malade pour qu'elle les tienne près de leur coeur, ce qui devait servir à ce que les chontas transmettent de leur pouvoir et de leur force à la personne.
Victor Vargas, Limpia con chontas

 La limpia con piedras - Limpia avec des pierres


Certains utilisent aussi des pierres pour purifier la personne et la rééquilibrer. Par exemple Victor avait deux pierres que lui avait offert un torrent: une masculine et une féminine. Avant de les utiliser, il les frottait l'une à l'autre puis les tapait l'une contre l'autre, faisant ainsi résonner et vibrer les pierres, comme pour les magnétiser ensemble. Ensuite il frottait la personne avec des deux pierres, une dans chaque main. Cette technique implique une certaine concentration sur les polarités positives et négatives de l'être, masculin/féminin, et l'importance du rééquilibrage de ces différentes énergies pour la guérison.

Une autre technique que j'ai vu employé est celle de la Senora Mathilde qui nous emmena faire une cérémonie au milieu du Chimborazo. Lorsqu'elle me fit une limpia, elle m'allongea sur le sol et me mit une pierre sur le corps qu'elle laissa là un moment. Elle m'expliqua ensuite que cette petite pierre portait l'énergie de l'éléphant et qu'elle l'avait posé à un endroit où mon corps avait besoin de ces énergies. Cette technique repose donc sur la connaissance de l'énergie ou médecine que porte chaque pierre et savoir l'utiliser. Un autre exemple est que Segundo avait chez lui une grande pierre en forme de pied. Il l'avait récupéré suite à des demandes de villageois qui se plaignaient que cette pierre rendait malade tous ceux qui passaient à côté. Segundo l'avait bien étudié et s'était rendu compte que cette pierre possédait en fait un grand pouvoir et qu'une fois mise dans le bon sens, si l'on posait son pied dans l'empreinte de la pierre, celle-ci nous chargeait en énergies.
Une autre technique que j'ai vu employé est celle que Segundo utilisa lorsqu'il emmena un monsieur pour qui tout allait de travers dans sa vie (accidents de voiture, pertes d'argent, problème de travail, etc.) jusqu'à un lac avec lequel il avait "pactisé". Dans ce lac, qu'il connaissait très bien et qui le reconnaissait et l'acceptait comme curandero, Segundo nous emmena jusqu'à un point particulier où de l'eau plus chaude sortait du sol. Ici il fit se laver le monsieur et lui donna ensuite à attraper deux pierres au hasard dans le lac. Une fois ceci fait, la personne devait se frotter avec ces pierres sur tout le corps pour se purifier, souffler trois fois dessus puis jeter les pierres de toutes ses forces derrière lui dans le lac. Ensuite, il devait trouver une pierre avec son coeur, et dans celle-ci mettre son voeu puis la lancer au lac. Ensuite, l'homme sorti du lac et Segundo lui fit différentes autres limpia et lectures de bougie qui sont ici hors sujet.

Pierre de guérison, Amazonie
Ou encore, il existe dans la nature des grosses pierres qui sont comme le toit de la civilization du peuple des pierres. Sur ces pierres, certaines énergies se concentrent et quelques unes sont propices à la guérison et aux soin. Le yachak emmène alors le malade sur cette pierre et le fait assoir ou coucher à un endroit particulier de la pierre. Parfois ces grosses pierres ont une petite vasque naturelle dans laquelle est recueillie l'eau de pluie. Les yachaks disent que cette eau a un grand pouvoir de guérison et ils l'utilisent en l'aspergeant sur le malade pendant la limpia. Pour monter sur ces pierres, les yachaks m'ont montré qu'il y a une porte d'entrée. Bien souvent cette porte bouge selon les heures de la journée et les mois qui passent. Nous tournions alors autour de la pierre, le chamane Elias qui nous guidait soufflait un mélange de plantes macérées dans l'air en direction de la porte, jusqu'à ce qu'il aperçoive l'arc-en-ciel lui indiquant l'entrée. Il était essentiel de rentrer par la porte pour effectuer un travail magique valable, en collaboration avec le pouvoir de la pierre.
Segundo souffle du tabac pur sur cette pierre que vient de lui offrir un lieu de pouvoir, pour purifier et honorer
Segundo saluant l'autel de pierre chez ses hôtes, Amazonie
Il existe donc de nombreuses utilisations des pierres dans la limpia. Souvent le chamane ne fait que les poser sur sa mesa de guérison pour que le pouvoir et la médecine de la pierre protège et aide à guérir la personne malade. Pour les yachacks, les pierres sont de vrais objets de pouvoir, elles ont un esprit et une médecine. Le peuple des pierres est immense et très varié: certaines sont des ancêtres qui se sont changés en pierre lorsqu'ils sont partis pour l'autre monde, d'autres incarnent des forces de la nature ou des esprits d'animaux, d'autres sont des gardiennes ou des portes de lieux magiques, certaines sont féminines et d'autres masculines, etc, etc. C'est le rôle du chamane que de savoir reconnaître et communiquer aussi avec ces forces. 
Bien souvent, les lieux de pouvoir comme les montagnes ou les rivières offrent au yachack une pierre qui leur permettra de se relier à leur pouvoir ou bien à un aspect de leur médecine. Le Yachack pourra alors utiliser cette pierre dans ses limpias en appelant l'esprit du lieu qui lui est rattaché.

Limpia con Plantas - La Limpia avec des plantes

La limpia avec des plantes est très belle.
Les plantes utilisées sont différents selon le lieu car les curanderos utilisent en général des plantes locales et fraiches: 
Limpia à la Shacapa
Limpia avec un bouquet de plantes de l'Amazonie
- dans l'Amazonie, que les équatoriens appellent plutôt l'Oriente, les chamanes utilisent en général la Shacapa aussi appelée WayraWayra (c'est la feuille de vent, qui chasse les mauvais esprits). C'est ce qu'on voit dans la vidéo au début de cette page et dans la photo ci-contre. C'est la seule plante que j'ai vu utilisée sèche pour les limpias avec des plantes, sinon elles sont toujours fraîches et sont jetées ou brûlées après la limpia. La Wayra Wayra semble posséder un pouvoir particulier qui lui permet de participer à plusieurs limpia, même séchée, même si elle n'est pas éternelle non plus.
Les chamanes de l'Oriente utilisent aussi parfois un bouquet de différentes plantes frâiches (comme sur l'autre photo que je ne connais pas assez pour vous en parler ici, ayant plutôt vécu avec des chamanes des montagnes.
Alfredo Rumanzela au milieu du Guanto
- dans les Andes, les chamanes utilisent des bouquets préparés de plusieurs plantes. La base qui revenait toujours, dans tous les bouquets était de mettre "Ruda, Marco, Santa Maria" (Rue, Absinthe, Camomille Romaine). Ce sont trois plantes très fortes, drainantes, déparasitantes et purifiantes. Ils purifient parfois seulement avec ces 3 plantes, souvent ils en ajoutent d'autres au bouquet, selon les effets désirés. Par exemple, Alfredo cherchait toujours à équilibrer les plantes douces (féminines) et amères (masculines) en fonction du sexe de la personne de façon à rééquilibrer ses énergies (plus de plantes féminines pour rééquilibrer un homme par exemple). Des plantes douces peuvent être la verveine citronnée, la camomille matricaire, les feuilles de capuli (un cerisier équatorien); des plantes amères peuvent être le pissenlit ou encore la verveine officinale. Parfois, les chamanes ajoutent une plante de pouvoir à ce bouquet: le guanto, aussi appelé "floripondio" ou "toé" dans d'autres régions. Alfredo, qui chérit tout particulièrement cette plante, m'expliquait qu'il l'utilise dans les cas très forts. Par exemple lorsqu'un taureau est énervé, on lui tape un coup de fleur de guanto sur la tête et il se calme de suite. Alors il fait de même pour les jeunes rebelles, il leur tape du guanto sur la tête. La couleur du guanto est importante: le blanc est le plus calmant et apporte la pureté, le rouge s'utilise en cas de fatigue, de manque d'énergie, le jaune pour trouver le bonheur, la joie et la prospérité.
La limpia en soi est assez simple et ressemble aux autres. D'ailleurs, même si je sépare ici les limpias en différentes catégories, il faut garder en tête que celles-ci se mélangent et se complètent pour former ce qu'on appelle à proprement parler une limpia. Par exemple, la limpia avec des plantes se fait presque toujours avec des "sopladas" (souffles) de fumée de tabac et de macérations de plantes en complément.
Comme pour tous les objets qu'il utilise, les plantes sont posées sur l'autel et purifiées. En plus de cela, il faut savoir que les chamanes ne ramassent pas les plantes sans faire très attention. S'ils le peuvent, ils le feront à des heures bien spécifiques et en respectant la lune selon la plante et la partie de la plante qu'ils souhaitent ramasser. Bien souvent ils vont le faire plutôt à 5 heures du matin, 1 heure avant que se lève le soleil car c'est là disent-ils que la vie vibre le plus, la nature s'éveille et est prête pour l'arrivée du jour, l'énergie monte. Chose importante par dessus tout, les yachaks s'adressent à la plante avant de la ramasser: ils se présentent, lui demande de pouvoir la ramasser et expliquent leur intention (guérir), demandent pardon pour la douleur occasionnée et remercie pour l'offrande. C'est ainsi que l'esprit de la plante ne s'enfuit pas ou ne se met pas en colère, et alors la plante guérit mieux.
Segundo Aguagallo Pacha
Le chamane prend donc le bouquet qu'il a préparé et purifié, invoque ses esprits alliés et demande la permission de guérir puis se met à frapper la personne et à la brosser avec le bouquet. La façon de procéder diffère selon les yachaks. Segundo par exemple commence par un grand geste de croix pour ouvrir le corps du patient puis utilise des mouvement circulaires pour décoller et attraper l'énergie qu'il envoie par intermittence aux montagnes avec un mouvement énergétique, pour que celles-ci reçoivent les énergies négatives et les transforment. Alfredo lui commence toujours derrière  le malade, de haut en bas si c'est un homme et de bas en haut si c'est une femme, et toujours en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre autour de la personne, respectant ainsi la Chakana (la croix andine et les quatre directions). Tout en frappant et brossant la personne, le yachack émet des sons, des chants ou répète des incantations pour appeler l'aide des esprits alliés et commander l'énergie. Le tout étant entrecoupé de sopladas de plantes macérées comme pour brûler ou affaiblir les énergies négativces et ainsi mieux les décoller, ou des sopladas de fumée tabac comme pour purifier et faire vibrer les énergies et ainsi mieux les libérer. Par intermittence, le chamane frappe le bouquet contre le sol pour rendre les énergies à la terre qui les purifiera, ou bien les passe au dessus de l'encens, ou leur souffle dessus du macerado, ou bien envoie les énergies aux montagnes pour qu'elles les transforment.
A la fin de la limpia, le bouquet a pauvre mine et semble tout mou et terne. Le yachak tourne alors la tête, tend le bras vers la bouche du malade et lui demande de souffler ou cracher trois fois dessus de toutes ses forces. Ensuite le chamane enterre ces plantes ou les met dans un plastique noir pour aller à la poubelle. Certains préfèrent souffler une bonne dose de macerado et brûler les plantes. Segundo, lui utilise une technique qui me plaisait beaucoup et que je trouvais pleine de sens.
Victor Vargas
Il pose alors le bouquet au sol, souffle dessus une bonne dose de macerado (je rappelle que le macerado est de l'alcool à près de 70° ou 80° dans lequel macèrent des plantes médicinales) puis souffle le feu dessus. Le bouquet en feu, Segundo demande au malade de sauter et piétiner le feu afin de l'éteindre. Selon les personnes, on voit des choses très différentes: certaines sont très volontaires et, sans peurs, se jettent sur les flammes et les écrasent jusqu'à la dernière. Celles-ci guériront peut-être plus vite. D'autres sont réservées, contemplent le feu et n'osent pas y aller. Segundo leur répète "vamos! vamos! apague el fuego! (allez! allez! éteins le feu!) jusqu'à ce qu'elle essayent de mettre leur pieds et, sentant la brûlure le retirent aussitôt, ce n'est qu'après plusieurs incitations de plus en plus pressantes de Segundo qu'elles finissent par se lancer et, les larmes aux yeux, finissent bien par éteindre le feu.

La limpia con limones - la  limpia avec des citrons

Je n'ai vu cette limpia réalisée qu'une seule fois, par un seul chamane: Victor Vargas. C'est un grand amis du citron d'ailleurs. Il utilise beaucoup les citrons pour soigner, plutôt les petits verts, plus courants en Equateur, que les grands jaunes. Par exemple, pour les douleurs au dos et douleurs musculaires, il va masser la personne avec du jus de citron frais, tout en priant. Pour l'avoir testé moi-même, cela marche assez bien pour toutes les douleurs aux muscles, on est juste un peu collant à la fin (et bien sûr il ne faut pas se laver!). Pour les limpias, il prend parfois 3 citrons sur lesquels il fait 3 signes de croix avec la main, ensuite il souffle des parfums et du macerado sur les citrons en direction du patient avant de frotter tout le corps du patient avec ces citrons, de la tête aux pieds. Ensuite, il brûle les citrons pour terminer de purifier les énergies lourdes.

Limpia con Fuego - La limpia avec le feu

La limpia avec le feu est plutôt impressionnante et un peu plus dangereuse que les autres. Je n'ai vu que Segundo la pratiquer, les autres chamanes la trouvant trop risquée. 
En effet, cette limpia consiste à souffler du feu sur le malade... Au delà de son aspect risqué, c'est aussi une limpia très puissante puisque le feu est l'élément de purification et de transmutation par excellence.
Je vais laisser Segundo vous expliquer cette limpia:
" Avant de commencer, je souffle du macerado sur le patient, de tous les côtés, pour affaiblir le mal et le purifier. Je commence ensuite la limpia avec le feu. Elle doit se réaliser dans la pénombre afin de mieux voir. Je me mets à une distance suffisante, environ 1m50 pour ne pas brûler le malade, mais juste assez pour que le feu s'approche de sa peau et le chauffe bien. La distance dépend aussi de la résistance du malade: plus le feu peut le toucher et plus forte sera la purification.
Et donc, avec un bougie allumée dans une main et du trago (alccol très fort) dans l'autre, je souffle mon vent dans le goulot de la bouteille qui siffle alors et me permet d'appeler les esprits pour le soin. De là, je souffle le trago sur la flamme de la bougie, créant ainsi une boule de feu vers le patient. Je souffle depuis les quatre côtés du malade, suivant la forme de la croix. Sur les côtés, je fais lever les bras au patient pour que le feu purifie bien tout son corps.
Parfois une partie du corps de la personne prend feu... cela permet de localiser où se concentre le mal. Il faut donc éteindre le feu et ensuite faire une limpia plus forte sur cet endroit. Après le feu qui a ouvert le patient et a brûlé l'infection dans ses plaies spirituelles, j'utilise la fumée du tabac pour purifier et cicatriser ces plaies."
Pour avoir personnellement reçu une limpia avec le feu, je peux vous dire que c'est assez impressionnant et qu'à la fin, on sent un peu le cochon grillé, en plus des odeurs d'alcool et de fumée de tabac. Et là Segundo, comme la plupart des chamanes, nous conseille de ne pas nous laver pendant trois jours... pour que les énergies de la limpia pénètrent bien...
Ici on voit bien le visage du feu et sa bouche qui se dirige vers l'endroit affecté du corps de la personne

 

Limpia con cuy - La limpia avec un cochon d'inde

La limpia con cuy est plus difficile à accepter ou apprécier pour nous européens car il y a une part de violence pas mal de sang dans celle-ci. Âmes sensibles, s'abstenir...
En Equateur, le cochon d'inde se mange ou s'utilise comme médecine, et, lorsque je racontais à mes amis que chez nous, beaucoup de gens les ont comme animaux de compagnie, cela les faisait bien rire.
Pour les manger, on prend des cuys assez âgés et dodus. Pour les utiliser dans la limpia, il faut un cuy:
- jeune et en bonne santé (qui n'a pas eu le temps de mal vivre ou de développer les conséquences d'un mal-vivre dans son corps)
- selon les sensibilité il le faut du sexe opposé à la personne malade (pour l'équilibre de la polarité, un mâle absorbe mieux les énergies femelles et inversement) ou du même sexe (car il doit être une copie conforme du malade).
- de couleur unie; blanc pour la purification en général, noir pour purifier les magies noirs et énergies négatives (mauvais oeil par exemple).
J'ai vu un nombre limité de limpias con cuy et cela m'a suffit, étant de nature assez sensible. Je vous fais ici un résumé additionnant dans un ordre chronologique les différentes pratiques que j'ai pu observer.
Tout d'abord, le curandero purifie le cuy en lui soufflant du macerado dessus ou en le passant dans la fumée de l'encens. 
Ensuite, Alfredo aimait bien donner le cuy à la personne malade pour que celle-ci, se tenant à proximité d'un encens fumant et gardant les pieds reposant sur des plantes énergétiques, tienne le cuy contre son corps, sur la partie la plus affectée, et ce pendant une bonne dizaine de minutes. Alfredo m'expliquait que la limpia commençait à ce stade là: la relation s'établie entre la personne et le petit animal qui, un peu comme l'oeuf, va se mettre à absorber les énergies négatives de la personne pour devenir une reproduction miniature de la personne malade.
Après cela, le curandero prend le cuy dans sa main de pouvoir, le positionne au dessus de la tête du malade et fait des prières avant de commencer. Ensuite il lui frotte le cuy sur tout le corps. Alfredo insistait sur le fait qu'il faut frotter le cuy avec la partie du corps correspondante: frotter le dos du malade avec le dos du cuy, son ventre avec le ventre de l'animal, sa tête avec la tête, etc. Victor, lui, insistait sur le fait que le cuy est particulièrement bénéfique pour le coeur et les émotions, il frottait donc d'avantage sur le coeur et le nombril de la personne. L'un comme l'autre frottait d'avantage l'animal sur les zones affectées et points d'énergies qu'ils ressentaient comme négatifs. Pendant ce temps, le cuy couine tout ce qu'il peut, et la personne malade se couvre peu à peu de poils de la tête aux pieds. Pour finir, comme avec l'oeuf ou les plantes, le curandero tourne la tête et, le bras tendu vers la bouche de la personne, lui demande de cracher ou souffler fort 3 fois sur l'animal. La limpia est alors terminée, commence désormais la phase sanglante du diagniostic...
Les curanderos me racontaient que, dans l'ancien temps, les yachaks n'avaient pas besoin d'ouvrir le cuy pour voir, il leur suffisait de le poser sur le sol après la limpia et de le regarder marcher et se comporter pour diagnostiquer les maux dont souffrait la personne. Mais, la médecine autochtone et l'art de la limpia ayant été interdits et sauvagement censurés pendant des décennies, certaines connaissances se ont sombré dans l'oubli entre deux générations.
Aujourd'hui, les curanderos prennent donc le cuy vivant et, avec une lame de rasoir, effectuent une incision au niveau de l'arrière du cou et commence ensuite à enlever le cuir de l'animal entier, puis ouvrent l'intérieur pour observer les vicaires et enfin la boite crânienne pour observer le cerveau. Le cuy est pour eux comme un rayon X qui permet de voir le patient depuis l'intérieur. Cela peut paraître barbare de tuer un animal pour cela, dans d'atroces et lentes souffrances qui plus est... Mais après tout, même si nous ne le voyons pas, combien d'arbres ont été coupés, de rivières contaminées, de terrains saccagés et d'animaux chassés et décimés pour fabriquer nos gros scanners, IRM et autres machines rutilantes? Je ne suis pas sûre que nous soyons en position de juger...
Le curandero observe donc le cuy avec attention car celui-ci a absorbé les énergies du patient et, étant un mammifère très proche de l'humain (car il possède de nombreux organes similaires), il peut lire les problèmes physiques (si le cuy a des calculs rénaux, c'est que le malade souffre de cela, si les poumons sont rouges, c'est qu'il a une inflammation à ce niveau) mais aussi énergétiques (des bulles d'air vers le cou indique le mal aire par exemple) et spirituels (le chamane utilise son 3ème oeil pour lire dans les organes les causes de la maladie, d'où et de qui viennent les énergies négatives qui affectent cette partie du corps, dans le cerveau il peut lire les systèmes de pensées malsains ou les croyances erronées qui provoquent des maladies).
Après cela, certains curanderos demandent au malade de donner le cuy à manger à un animal (par exemple un chien) pour remercier et rendre au monde animal ce qu'il a donné. Le jeter dans une poubelle serait un manque de respect.
La limpia con cuy est très répandue dans les Andes mais ce n'est pas le seul animal avec lequel les curanderos soignent.
Par exemple, un curandero m'avait expliqué son remède infaillible pour guérir l'asthme (je me suis dis sur le moment: "génial, tant de gens en souffre par chez nous, sans pouvoir le guérir véritablement!" et ensuite, en découvrant le remède, je me suis dis que peu de gens seraient prêts à faire cela...). Je vous donne ici la recette pour guérir l'asthme à vie qu'il m'a transmis oralement (je n'ai pas vu faire):
" Prendre un jeune chiot, de couleur unie. Lui enlever le cuir et l'appliquer alors qu'il est encore chaud sur le torse, au niveau des poumons de la personne, puis sur le dos, au même niveau, pendant plusieurs minutes. Pendant ce temps, cuisiner le chiot (le faire bouillir) avec tout son sang. Donner ensuite le tout à manger au malade, il ne doit rien rester pour faire honneur à l'animal. Et ensuite c'est finit, la personne sera guérie de l'asthme pour toute sa vie! "
Il doit bien avoir un certain nombre de prières spécifiques et d'alliés ainsi que des procédures particulières à respecter pour que ce soin se passe bien, mais pour cela il faudrait le voir, c'est encore là que les chamanes expliquent le mieux leur art, par la démonstration.
Un autre exemple est celui d'un groupe de chamane amis qui s'étaient installés en associés dans un petit local. L'un d'eux s'était découvert un cancer de la prostate. Alors, dans la nuit, les autres prirent la voiture et partir pour Esmeraldas, à la côte Nord de l'Equateur pour attraper ou acheter deux oiseaux. Ils revinrent en fin de journée, après un voyage de près de 9 heures. L'oiseau ressemblait à un gros dindon. Il resta un bon moment dans la cuisine à côté de moi, pendant que les autres préparaient je ne sais quoi. D'un coup, l'un d'eux entra dans la cuisine, prit un des oiseaux et l'égorgea. Récupérant tout son sang pour l'amener à boire encore chaud au curandero malade. Du reste, je crois qu'il mangea tout l'oiseau. Sauf les pattes qu'emmena un autre yachak ami qui en avait besoin pour soigner un alcoolique... Quelques jours plus tard, le deuxième oiseau y passa aussi, de la même façon.
Les limpias transitoires
Une limpia c'est toute une histoire, ça ressemble un peu à une symphonie à mi-chemin entre des sonorités ancestrales, une touche de rock'n'roll et une bonne dose de free Jazz. 
On trouve donc d'abord une certaine structure commune à toutes les limpias, comme un canevas de fond, tissé par les générations de yachacks qui ont précédé et transmis les gestes. Pour un occidental, cette structure n'est ni évidente ni facile à comprendre, elle peut sembler bien souvent trop floue, confuse ou illusoire car on ne peut pas vraiment poser de mots dessus. Cependant elle est là et donne la tonalité générale de toute limpia. 
Ensuite il y a un bon bout de rock'n'roll parce que le yachak fait avec ce qu'il a et n'hésite pas à utiliser des moyens non conventionnels (cracher, crier, pleurer) pour mener à bien la limpia. Ensuite, chque limpia comporte une bonne dose d'improvisation, non pas que le yachack ne sache pas ce qu'il est en train de faire ni où il va (quoi que... !). Disons qu'il se contente d'être avec le coeur pur et le mental blanc, et ensuite il fait ce qu'il doit faire, quelque chose à mi-chemin entre la répétition perpétuelle d'une tradition et une improvisation de l'instant.
Il y a donc dans l'art de la limpia ce que j'ai appelé les "limpias transitoires". C'est une catégorie arbitraire que j'ai créé de toutes pièces pour permettre aux occidentaux de mieux se faire une idée de cet Art, les chamanes d'Equateur eux ne classifient pas ou très peu, une limpia c'est une limpia mais bien sûr il y a milles et une limpias. 
Les limpias transitoires ce sont des petites limpias qui sont répétées plusieurs fois au cours d'une limpia complète, laquelle comporte des grandes limpias (comme celle avec l'oeuf ou le cuy) et des transitions entre grandes limpias ou un fond régulier fait de petites limpias. 

Limpia con sahumerio - La limpia avec les encens

Certains yachacks comme Alfredo aiment bien enfumer le lieu de la limpia. Dès le début, il allume un feu et fait brûler dedans des encens. Le plus utilisé en Equateur pour les travaux de purification est le bois du Palo Santo (le Bois Saint), un arbre de la forêt sèche dont on raconte que si l'on a pas fait la prière avant de le ramasser, l'odeur sainte s'en va et le boit ne vaut alors plus rien.
Petit interlude: 
On trouve de plus en plus de Palo Santo à acheter sous toutes les formes et dans toutes sortes de boutiques physiques ou numériques et il est important de savoir que le Palo Santo ne pousse que dans un type de forêt sur terre: "el bosque seco" (la forêt sèche). Pour y être allée avec mes propres pieds, la forêt semble effectivement morte puisque le bois est sec et aucune feuille ni herbe ne pointe. Pourtant cette forêt est bien vivante et embaume l'odeur caractéristique du Palo Santo. Vous vous en doutez peut-être déjà mais cette forêt se fait de plus en plus petite. C'est un organisme très fragile et qui n'existe pas dans des milliers d'endroit sur terre, elle existe là-bas, en Equateur, au bord de l'océan pacifique. Des Palo Santo il n'y en a pas non plus des miliers, ce sont des arbres qui mettent des décennies à pousser. Alors réfléchissez-y à deux fois avant d'importer du Palo Santo... Ici nous avons de nombreuses plantes à encens qu'on ne soupsonne même pas (merci les chamanes d'Equateur de m'avoir appris à observer et utiliser les plantes de chez moi): le romarin est un très puissant purificateur aux énergies masculines de feu, la lavande aussi est très utile pour purifier et déparasiter un lieu en l'apaisant, il y a encore la sauge, le thym, le laurier...
Retour à nos lamas: 
la fumée et l'odeur dégagée jouent un rôle important dans la purification et la transmutation des énergies, pour la personne malade mais aussi pour le yachak.
En général, Alferdo positionne l'encens fumant aux pieds du malade et le laisse brûler tout le long de la limpia (au bout de 30 minutes de limpia et de fumée, on n'y voyait en général plus grand chose dans son petit dispensaire!). Il utilise la fumée de façon plus directe à plusieurs reprises au cours de la limpia. 
Par exemple au tout début il peut demander au malade de faire 3 cercles avec une jambe au dessus de l'encens dans un sens puis dans l'autre, puis de même avec l'autre jambe "avec toutes tes intentions pour demain" comme il dit à chaque fois. La participation et la concentration de la volonté du malade est essentielle à la guérison!
Il utilise aussi l'encens en général plutôt vers la fin de la limpia pour que le malade se lave car la fumée a des propriétés purifiantes et protectrices (elle referme et lisse bien la coquille énergétique): soit il prend le récipient dans lequel brûle l'encens pour le porter vers différents points du corps à purifier (souvent ces points correspondent aux chakras de la tradition ayurvédique), soit il demande à la personne de prendre la fumée et de se laver avec, comme si c'était de l'eau. La personne se lave ainsi tout le corps avec toutes ses intentions pour demain, n'oubliez pas!
A d'autres occasions j'ai vu l'encens utilisé pour des purifications de lieux. On voit souvent des personnes passer dans les rues avec une sorte d'encensoir portatif et qu'on paye pour qu'ils rentrent dans notre magasin et notre maison afin d'en purifier les énergies grâce aux fumées. Dans ces encens on trouve souvent un mélange de plusieurs herbes, bois et résines: Palo Santo, Cal, Souffre, Copal, Myrrhe, Eucalyptus, etc. 
Les yachacks utilisent aussi l'encens pour nettoyer les maisons, les bureaux et les magasins selon la demande. On va par exemple faire nettoyer un lieu où les gens se sentent souvent mal à l'aise, où il y a eu des disputes récurrentes ou des évenements tragiques. On va aussi purifier un lieu et le fortifier par l'encens pour permettre d'améliorer les affaires, qu'il y ait une meilleur entente et une meilleure collaboration entre les occupants du lieu, une meilleur santé, etc. 
Selon les objectifs, les encens que l'on fera brûler varient. Par exemple pour les lieux durs et froids, propices aux peurs et aux angoisses on va utiliser des herbes douces et sucrées comme la verveine citronnée et même du miel, combinés à des encens puissant et chaleureux comme le Palo Santo. Pour les lieux hantés ou parasités on va ajouter du souffre à la préparation et bien aérer le lieu pendant la fumigation.
Enfin, là où les encens sont le plus utilisés c'est en cérémonie et lors de rituels dans les lieux sacrés. En offrande aux esprits, pour la purification du lieu et des participants. Je ne manquerai pas de revenir sur ce point dans la partie sur les cérémonies et rituels ancestraux.

La limpia con tabaco - Limpia avec le tabac

Le tabac est une plante majeur pour de nombreux peuples et guérisseurs du Nord au Sud de l'Amérique. Les yachaks des Andes Equatorienne l'utilisent beaucoup, même s'il ne pousse pas à ces altitudes: ils achètent souvent des "puros" (gros cigares de tabac dit pur mais dans lesquels il y a quand même une sorte d'arôme qui leur donne une odeur de vanille) ou bien de simples cigarette, ils vont aussi à l'oriente (l'amazonie) pour récupérer des "rollos de tabaco" (rouleaux de tabac, comme sur l'image ci-contre).
Le tabac peut être utilisé de nombreuses façons (fumé, prisé, soufflé, macéré, bu, frotté, ...) et à des fins très diverses (purification, protection, communication avec les esprits, ancrage, fortification de l'être, ...).
Un puro qui va servir pour la cérémonie qui se prépare
Pour les limpias, le tabac ne manque jamais. La plupart des curanderos et yachaks que j'ai pu observer utilisaient toujours le tabac au moins une fois dans leur limpia, et presque toujours à la fin, comme une fermeture, le tabac servant d'une certaine manière à refermer les pores énergétiques qu'à ouvert la limpia. Un peu de la même façon que la chaleur ouvre les pores de la peau, le yachak siffle, chante ou prie au début de la limpia pour ouvrir le corps du malade et y faire ce qu'il a à faire. À la fin, il le referme avec des symboles (souvent la croix ou faire joindre les mains au malade) et une fumée puissante comme celle du palo santo ou du tabac. D'ailleurs les yachaks me recommandaient toujours de terminer ma douche ou mes bains par de l'eau froide, pour bien refermer le corps.
Le tabac est souvent utilisé soufflé dans les limpias. C'est à dire que le yachak aspire la fumée de tabac pour la souffler sur le malade. Je n'ai jamais vu les yachaks avaler la fumée pour faire cela, il me semble que la fumée est avalée plutôt si l'on souhaite se protéger et se purifier de l'intérieur, pour se donner à soi alors que si l'on veut donner la force du tabac au malade il faut la souffler sans l'avoir avalée avant. Le yachak souffle donc la fumée du tabac sur différents points du corps du malade. Ces points varient selon le yachak, selon le jour et selon la malade mais certains points reviennent quand même fréquemment. Les points les plus souvent soufflés avec le tabac sont le haut du crâne, appelé "la corrona", les oreilles, le front, le dessous de la mâchoire, les zones correspondant à ce que nous appelons les chakras, les pieds et les mains (le yachak souffle le tabac entre les mains écartées et les faits se refermer en prière, à la fin de la limpia) .
Je ne peux pas vous dire exactement l'effet ou l'intérêt de souffler ainsi le tabac, il faut en faire l'expérience. Le tabac est considéré comme un grand-père très important, la plus vieille des plantes, on raconte même que le tabac est la seule plante qui soit à la fois minéral et végétal, c'est une pierre-plante. Le tabac donne de la force, purifie, remet droit, dévoile le coeur et ancre à la terre... et cela guéri les gens.
Il y a un point très particulier ou le yachak ne souffle pas de la même façon: c'est le sommet du crâne. A cet endroit, le yachak colle sa bouche contre le corps du malade et souffle très fort. Parfois même avant de souffler le tabac il fait des grands bruits comme s'il se gargarisait, allant chercher au fond de son estomac des pouvoirs magiques pour les souffler dans le malade. L'effet que cela fait dépend beaucoup de qui vous le fait, car ici le yachak met beaucoup du sien, comme s'il soufflait un peu de sa force en vous. Je me souviens que cela me donnait des sensations agréables de frisson et de chaleur dans tout le corps. Une fois, un yachak me fit cette limpia alors que j'avais bu l'ayahusaca, et, quand il me souffla dans la couronne, je me mis à voir beaucoup d'arcs-en-ciel dans un paysage de fleurs et de cascades... Plutôt positif donc. Une autre fois, chez une dame de l'oriente, au début de mon voyage, celle-ci avait soufflé par mon crâne et avait ensuite dit qu'elle m'avait mis un os... Cette technique reste encore un mystère pour moi, mais je me dis qu'elle doit être efficace car très employée. Les yachaks appellent ça "soplar en la corrona" ou, encore plus équatorien, "soplar en tu corronita", il y a même des chansons qui en parlent...
C'est là l'usage principal du tabac que j'ai pu observer pendant mon année passée au contact des yachaks. Parfois, certains le font macérer, soit dans de l'eau, soit dans de l'alcool (ça se conserve mieux) afin d'en boire une petite gorgée avant une limpia importante ou risquée, ou encore pour entrer dans des lieux sauvages. Sous cette forme, le tabac permet de protéger des énergies négatives et des esprits malins; les yachaks disent que lorsqu'on boit le tabac, l'odeur de notre corps change, on transpire le tabac et alors ni les moustiques ni les mauvaise esprits n'ont envie de s'approcher. Ils ne boivent qu'une petite gorgée dans un but de protection. S'ils boivent plus, l'effet n'est plus le même: cela sert plutôt à entrer dans une sorte de transe où l'on est entre sommeil et éveil, affrontant ses démons et ses peurs, afin de trouver sa force profonde. Si l'on en boit encore plus (je n'ai jamais essayé, je parle donc de ce qu'on m'a raconté), l'effet est encore différent et peut amener aux vomissements, le tabac servant alors de plante purgative. Bien sûr, le tabac n'est pas utilisé que pour les limpias. Il est aussi beaucoup employé pour les cérémonies. Les taitas disaient que le tabac est comme un micro spirituel permettant de mieux faire entendre sa voix aux esprits. Un peu comme les peuples des plaines d'Amérique du Nord (Lakotas, etc.) utilisaient Canunpa (le calumet sacré) pour les cérémonies ainsi que les moment importants comme les accords de paix, le tabac était partagé et fumé et tout ce qui était dit alors devait être respecté. Parler avec le tabac et la pipe sacré donnait davantage de poid aux mots, peut-être parce qu'ils étaient entendus par les esprits et les Dieux. En Equateur, j'ai plusieurs fois observé le tabac roulé dans des feuilles de mais pour être fumé lors de cérémonies afin de purifier, de faire des offrandes et de communiquer avec l'invisible. Cette fonction de micro spirituel était employé par Segundo lors de ses limpias, lorsqu'il utilisait la bougie pour diviniser: il soufflait la fumée du tabac sur la flamme en posant sa question silencieusement et observait ensuite le comportement du feu, puis re-soufflait en posant une autre question, jusqu'à ce qu'il arrive à connaître les causes de la maladie.

à venir: Limpia con macerados y colonas - La limpia avec les macérations et parfums

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